DENISE
Mercredi 19 avril 2023 – 20h09 – Montpellier
Retour au quartier.
Aujourd’hui, je dois rencontrer des habitants.
J’ai choisi de mettre de côté la photographie pour l’instant et de me concentrer sur les interviews. C’est plus facile pour eux, tant qu’il n’y a pas l’image.
J’ai rendez-vous pour assister à un atelier de cuisine à l’ehpad Le Thonnaire. L’image que j’ai en tête est celle d’une grande table, des personnes aux cheveux blancs assises autour, des pâtons pétris fébrilement par des mains qui ont vécu mille vies. Des bouches dont les rides témoignent des infinies histoires qui en découlent.
À l’intérieur, on m’indique gentiment mais vaguement le chemin. A gauche, au fond du couloir passer la porte, puis à gauche, traverser la buanderie.. ou bien c’est à droite peut être ? J’oublie vite les indications. Ça sent terriblement bon. Il y a un joli boucan, là-bas, au fond. Des bruits de casserole et des rires éclatants.
Je pénètre dans une cuisine minuscule et mal équipée, remplie à ras-bord de plusieurs femmes et deux hommes. Ca traverse, ça renverse, ça se bouscule, ça rit, ça chante. Ce qu’il se passe ici est à mille lieues de ce à quoi je m’attendais. Alors au bout de quelques minutes, je demande l’autorisation et sors mon appareil photo. La suite s’écrit en images.
C’est ici que j’ai rencontré Denise. Impossible de manquer ce petit bout de femme aussi attachant que bruyant qui m’a ouvert grand sa porte à l’instant même où nous nous sommes croisées pour la première fois. Chez elle, les murs sont tapissés de souvenirs. De photos de son fils. De mandalas. Denise adore colorier des mandalas. Ca l’occupe, elle me dit. Elle me parle de son amour pour le fromage, de sa recette du gratin dauphinois qui tient plutôt de la tartiflette, de sa famille, qu’elle voit un peu mais pas assez. De cet établissement dans lequel elle est bien, quand même. Même si elle n’aime pas la mer. De son chat, fidèle compagnon de vie. De sa peur de mourir seule aussi.
Emportée dans le tourbillon de cette conversation aux détours imprévus, avec une Denise aussi légère que sérieuse, je passe du rire aux larmes, et puis encore au rire, en quelques secondes. Et je me souviens que je vivais cela avec ma propre grand-mère.
HISTOIRES DE QUARTIER
Depuis le mois d’avril, je parcours deux quartiers à la rencontre de leurs habitants. Appareil photo et enregistreur en main, je récolte les histoires individuelles et collectives, autant de trajectoires qui font de ces endroits des lieux singuliers et vivants. Cette matière se retrouve en filigrane dans le spectacle « Les Munjettes ». À travers cette proposition photographique, je souhaite apporter un complément. Replacer une partie des personnes que vous avez vues sur scène dans leur quotidien : le quartier. Vous donner, à travers le récit de notre rencontre, l’envie de les découvrir hors du temps de la scène. Sur chaque table, l’histoire d’une rencontre. Les petites séries présentées ici ne sont pas des objets finis. À la manière d’un album de famille, nous vous invitons à les parcourir dans le sens qui sera le vôtre, comme des tranches de vie, des débuts d’histoires à venir. Le temps de la rencontre est un temps long. La suite reste à écrire…