Jeux d’enfant dans le callejon, juillet 1995

Sur le dos d’un cheval de picador, feria de Céret 1995

Jeux d’enfants au stand de merchandising, années 90

Tressage et préparation du cheval de l’Alguazil pour le paseo – A gauche, ma grande sœur – Céret, années 90.

CRONICAS DE RUEDO

LES ORIGINES

D’aussi loin qu’il m’en souvienne, le toro a toujours fait partie de ma vie. Sur les murs de la maison familiale ou dans les histoires de mon père, dans nos jeux d’enfants, à la télévision ou aux arènes, la corrida crue ou embellie s’est affichée sans complexes. Pour autant, je n‘en ai jamais fait une passion personnelle. Elle a toujours été « l’objet » de mon père.

SOUVENIRS D’ENFANCE

Je ne garde aucun souvenir de la première course de toros que j’ai vue. D’après mon père, j’étais très jeune : 4 ou 5 ans, peut être. En témoigne une photo de mon grand-père et moi, prise dans les gradins des arènes de Céret à la fin des années 80, et qui figure quelque part dans un album de famille. Mes premiers souvenirs tauromachiques datent des années 90 et ce sont surtout des odeurs. Les odeurs et le sable de l’arène qui, par temps de grande tramontane, assèche les yeux et les narines.

À l’époque, la corrida s’affichait sans trop de complexes : dans les rues, dans la presse locale et nationale, et même sur France 3 les samedis après-midi (Extrait de l’émission “Face au toril” qui passait dans les années 90 sur la troisième chaine).

Avec le recul de ma vie d’adulte, je crois pouvoir affirmer que, à hauteur d’enfant, la corrida était pour moi bel et bien un spectacle. Mon père me rappelait assez souvent que c’était un jeu dangereux. Et, si j’en avais conscience, elle revêtait, en ces jours de juillet où des aficionados de l’Europe entière se donnaient rendez-vous dans une féria qui n’en finissait pas, une ambiance toute particulière. Une de ces ambiances fébriles que je retrouve aujourd’hui, dans ma vie professionnelle, dans les coulisses des festivals.

UNE HISTOIRE DE FAMILLE

Mon père n’a jamais caché son “aficion” qui, selon lui, remonte à son enfance. Les affiches annonçant les corridas de l’été ont d’ailleurs toujours fièrement trôné dans la vitrine de son atelier d’encadrement.

Ma mère, elle, n’a jamais témoigné un grand intérêt pour le sujet. Au contraire, elle était issue d’une famille anti-corrida. Je garde le souvenir de ses demi-sourires, mi amusés, mi agacés peut être, lorsque mon père en parlait à table. Peut être était-elle un peu résignée ? Pensait-elle qu’il était déplacé de parler tauromachie à des enfants ?

Mon grand-père paternel, si j’avais pu le questionner à ce sujet, m’aurait certainement avoué qu’il allait voir des corridas pour deux raisons : parce que, quand on est cérétan, aller aux arènes pendant la féria de juillet était une tradition. Et aussi parce que son fils les organisait.

Ma sœur aînée et moi avons eu assez tôt une place toute trouvée dans ce milieu. Elle par l’intermédiaire de sa passion pour l’équitation, moi auprès de ma copine d’enfance Muriel, derrière le stand de merchandising. Toutes deux car nous étions filles de notre père. Les jours précédant les combats, les arènes vides devenaient pour nous un immense terrain de jeu. Ma mère, elle, soutenait mon père à sa manière : à la taquilla*. Elle ne vivait de la corrida que les bruits qui émanaient du ruedo** tout proche.

Adolescente, je suis passée par toutes les phases de l’acceptation : curiosité, fascination, rejet, indifférence… aujourd’hui, j’apprends à voir la corrida comme un élément constitutif de ma propre histoire dans la grande histoire de ma région. La mort, dans toute sa violence, je l’ai connue ailleurs, avec la perte aussi réelle que brutale d’êtres proches. Et pourtant, j’ai l’intime conviction que la tauromachie a joué un rôle dans ce domaine. Je ne sais pas vraiment à quel point, mais je suis certaine que mon rapport à la mort serait bien différent si j’avais grandi sans ce repère.

*billetterie
** arène