LUIGIA & ANDRÉE
Mercredi 19 avril – 15h03 – Médiathèque André Malraux, Sète
De retour à la médiathèque après une visite du quartier, je rencontre Andrée et Luigia. Je les reçois ensemble. Elles sont inséparables. Elles ont aussi très envie de parler. Comme tous ceux que j’ai rencontrés jusqu’ici, elles n’ont aucune forme de curiosité pour la grande roue. Elles ont le vertige. Et même pas envie de s’imaginer ce qu’on pourrait voir de là-haut. Pas de grande roue, donc. À la place, un véritable grand huit, qui après avoir foncé droit dans le béton nous fait toucher les étoiles.
Quand Luigia me parle de cuisine, elle part loin, très loin. À travers les mille recettes qu’elle aime, elle m’emmène de l’Algérie à Sète, en passant par l’Italie. D’une enfance très pauvre elle a gardé une forme de générosité qui, dans la cuisine, trouve à s’épanouir. Je ne le sais pas encore, mais chacune de nos rencontres futures sera rythmée par la préparation du repas. Andrée, elle, n’aime pas trop cuisiner. Par contre, elle a des histoires à raconter. Celle de ce plongeur qui les a fait beaucoup rire quand, l’autre jour, elles l’ont vu enfiler sa combinaison à l’envers. Et puis celle de ce mari dont elle a fui l’emprise.
Pour Andrée et Luigia arriver au quartier ce n’était pas échouer. C’était gagner son indépendance. En même temps qu’un toit sur la tête. C’était avoir le droit à la dignité. Ici, elles ont choisi de jeter l’ancre. Ici, elles ont entamé un nouveau chapitre qui se tisse autour d’une histoire d’amitié singulière. Loin derrière, la violence. Place à une vie simple, où après de nombreuses galères, on s’autorise enfin à vieillir tranquille.
J’ai entamé avec elles un projet photo au long cours intitulé Luigia & Andrée, une histoire d’amitié au cœur de la cité.
HISTOIRES DE QUARTIER
Depuis le mois d’avril, je parcours deux quartiers à la rencontre de leurs habitants. Appareil photo et enregistreur en main, je récolte les histoires individuelles et collectives, autant de trajectoires qui font de ces endroits des lieux singuliers et vivants. Cette matière se retrouve en filigrane dans le spectacle « Les Munjettes ». À travers cette proposition photographique, je souhaite apporter un complément. Replacer une partie des personnes que vous avez vues sur scène dans leur quotidien : le quartier. Vous donner, à travers le récit de notre rencontre, l’envie de les découvrir hors du temps de la scène. Sur chaque table, l’histoire d’une rencontre. Les petites séries présentées ici ne sont pas des objets finis. À la manière d’un album de famille, nous vous invitons à les parcourir dans le sens qui sera le vôtre, comme des tranches de vie, des débuts d’histoires à venir. Le temps de la rencontre est un temps long. La suite reste à écrire…